AUTOROUTE CASTRES-TOULOUSE / Enquête publique – Avis d’EELV Tarn

L’autoroute Castres-Toulouse : un projet qui ne répond pas à un besoin d’intérêt général, un recul pour le territoire et pour ses habitants.
Sommaire - Contexte local – positionnement d’Europe Ecologie les Verts - Iniquité sociale - Sécurité dégradée - Environnement dégradé - Terres agricoles en danger - Cout insupportable pour les collectivités locales - Allongement du temps de parcours pour une majorité de gens - Avis del’Autorité Environnementale (AE) - Avis du Commissariat Général à l’Investissement (CGI) - Absence d’intégration du projet dans un plan multimodal. - Quelle place pour le rail ? - Pré-étude de l’aménagement sur place ASP - Conclusion
Le 20 janvier 2017 Contexte local – positionnement d’Europe Ecologie les Verts Europe Ecologie les Verts, par sa dimension de parti politique, intervient dans la vie de la cité avec pour objectif d’importance de construire des politiques publiques. Le projet écologiste a ses spécificités : la prise en compte des besoins des Hommes, dans le respect des contraintes liées à l’environnement. C’est une construction cohérente d’un mode de vie, qui intègre la vie quotidienne (travail, famille, loisirs, culture, solidarité, éducation…) et qui s’inscrit dans une dynamique globale à l’échelle de la planète. L’expression « du local au global » permet de résumer cette volonté d’élaboration d’une vie collective locale, qui tient compte des enjeux planétaires dont nous avons aujourd’hui conscience, et dans lesquels nous sommes tous, femmes, hommes, enfants, inexorablement inscrits. EELV 81 est intervenu depuis le lancement du débat publique sur l’autoroute Castres-Toulouse et n’a cessé depuis d’intervenir par le biais d’article de presse, de lignes de programme lors des élections (municipales à Castres, départementales, régionales, législatives), par un cahier d’acteurs lors du débat public, pour faire valoir des moyens de prendre en compte l’enclavement routier du bassin Castres Mazamet, tout en ayant un regard bien orienté sur les enjeux collectif de notre époque. Quelle place accorder donc aujourd’hui au projet d’autoroute qui est soumis à l’enquête publique ? En quoi ce projet sera-t-il au service du territoire ? En quoi ce projet sera-t-il utile à l’amélioration de la qualité de vie de tous ? En quoi ce projet permet-il de lutter contre le réchauffement climatique ? En quoi ce projet permet-il de mieux nourrir les femmes, les hommes et les enfants de ce territoire ? Existe-t-il d’autres moyens d’envisager nos déplacements pour ce 21ème siècle, qui, après 16 années d’existence, ressemble bien peu à celui de nos parents, et encore moins à celui de nos grands-parents ? Le développement économique est-il encore lié à la réalisation de voies routières à 2×2 voies et le sera-t-il encore dans 20 et 50 ans ? Ces questions doivent avoir des réponses, complètes ou partielles tant il est difficile voire impossible de prévoir l’avenir. Toutefois, les grandes tendances d’évolution de nos sociétés sont les indicateurs à prendre en compte. EELV 81, dans toutes ses interventions, place la construction, la concertation, la participation, le dialogue avant toute chose. Jamais nous ne nous sommes opposés au projet autoroutier sans argumentation et dans des propos outranciers envers les personnes qui croient, avec conviction, que l’autoroute est la bonne solution. Nous regrettons que notre démarche d’information et d’échange ne trouve pas plus d’écho chez les décideurs publics locaux, qui préfèrent, à coups de slogans et de matraquages publicitaires, essayer de faire passer leur conviction en force, en évitant toute réflexion contradictoire pourtant nécessaire lors d’un processus d’élaboration collective. Personne n’a raison seul dans son coin et la recherche d’une solution de consensus n’a jusqu’alors pas été recherchée, ce qui ne garantit aucune sérénité dans la suite de la gestion de ce dossier autoroutier. Nous avons le devoir de garder en mémoire que le Tarn est resté meurtri par la gestion calamiteuse du dernier dossier de ce type lors du début des travaux du barrage de Sivens. Un jeune homme, Rémi Fraisse, écologiste, pacifiste, acteur de la construction de son avenir en société, est mort lors d’affrontements qui auraient pu, qui auraient dû, être évités. Les carences et les erreurs sont de la responsabilité des acteurs politiques : les refus systématiques d’engager une concertation qui aurait permis de comparer un projet de barrage conçu il y a très longtemps (plus de 30 ans), avec d’autres aménagements plus adaptés à notre époque en sont la cause. Au bilan, on annule le projet de barrage (qui est à postériori reconnu illégal) qui est enfin vu pour ce qu’il est : dépassé, inadapté. Et on peut engager une concertation, difficile, mais comment s’en étonner tant les choses ont été faites à l’envers en basant les décisions sur des préjugés qui mettent en avant les moyens, construire un barrage, avant les besoins, une agriculture pérennisée par un cours d’eau stabilisé. Quels enseignements en aurons-nous tiré collectivement ? Nous ne souhaitons pas un tel scénario sur le projet autoroutier Castres Toulouse et pourtant, les mêmes mécaniques sont à l’oeuvre, cela doit nous alerter. Tout d’abord, ici aussi, on discute d’un moyen, l’autoroute, avant l’évaluation des besoins. Ici aussi, lors du débat public, il a été refusé, alors que tout l’autorisait, qu’une solution alternative à une mise en 2×2 voies en site propre soit examinée et mise à disposition du public. Ce refus a été incompréhensible, car le débat public est justement le lieu de confrontation de toutes les possibilités, de tous les moyens, or, les garants de ce débat n’ont pas obtenu que les services de l’état mettent leurs compétences à disposition de l’information du public. A partir de là, un machine infernale s’enclenche, il faut en avoir la pleine conscience. Que demandons-nous précisément ? Qu’une étude de l’aménagement sur place de la RN 126 soit engagée, de même ampleur que les 2 scénarios qui nous ont été proposés (2×2 voies en site propre publique ou 2×2 voies en site propre concédée), avec les mêmes objectifs de sécurité pour tous, de gain de temps, de préservation des terres agricoles, d’amélioration de l’environnement. C’est une nécessité car le projet autoroutier souffre de telles lacunes que nous sommes convaincus qu’il ne pourra aboutir. Néanmoins il y a une telle attente, justifiée ou non, autour d’une action concrète sur cet axe que nous avons le devoir de proposer une solution pour y répondre. L’intérêt collectif aujourd’hui sur le bassin Castres-Mazamet est de trouver une solution économe pour améliorer l’axe Castres Toulouse et surtout de construire un projet global structuré qui ne se limite pas uniquement aux déplacements routiers, et pas uniquement aux déplacements sur cet axe. Ce travail de prospective nécessaire n’est pas engagé alors qu’il devrait être un préalable. Le temps qui a jusqu’alors était passé à l’unique étude de la réalisation d’une autoroute n’est pas pour autant perdu car tout le travail d’analyse des contraintes d’aménagement peut être exploité pour un projet d’aménagement sur place. Le projet autoroutier ne répond pas à un besoin d’intérêt général. Nous allons exposer, de façon détaillée mais non exhaustive, les raisons pour lesquelles nous considérons que le projet autoroutier ne répond pas à un besoin d’intérêt général. Iniquité sociale La question de l’emploi est le premier point mis en avant pour défendre l’autoroute Castres Toulouse. Le péage de 15 ou 16 euros voire plus (voir dossier de la DREAL) n’est jamais mis dans la balance. Et pourtant, la question à se poser est à partir de quel salaire est-il acceptable de payer 16 euros par jour pour se rendre sur son lieu de travail, alors qu’aujourd’hui la route est gratuite ? On voit bien qu’un cadre d’une grande société internationale n’a pas le même point de vue que le vendeur employé dans une grande enseigne commerciale. Une personne qui travaille au smic, à temps complet ou partiel, dépenserait 250 à 300 euros en plus des charges d’utilisation de son véhicule personnel, là où la grande société internationale pourra prendre en charge, comme elle le fait d’une voiture de fonction, les coûts afférents au péage routier. Une catégorie de personne gagne en confort, l’autre est reléguée dans la mesure où, par nécessité, elle fera le choix de la route gratuite, mais dans des conditions dégradées par rapport à la situation qu’elle a connu jusqu’à la mise en service de l’autoroute. C’est donc un projet qui conduit à marginaliser toute une catégorie de population. Sécurité dégradée Quand on parle de sécurité, il faut raisonner en termes de statistiques et non pas sur des cas personnels vécus. La RN 126 est une route dont l’accidentologie se classe dans la moyenne nationale. Une autoroute est globalement moins accidentogène qu’une route nationale ou départementale, c’est aussi une réalité. Mais, il faut tenir compte du fait que le trafic actuel de la RN 126 ne se reportera pas intégralement sur l’autoroute, loin de là. La RN 126 sera une route de moins bonne qualité du fait de l’autoroute : traversée de village, entretien différé (l’argent de l’autoroute ne servira pas pour la RN 126). Au bilan, du fait de l’utilisation des 2 voies de communication (RN 126 et autoroute) est-on certain d’avoir un gain de sécurité si important que cela. Ce bilan ne risque-t-il pas même d’être négatif ? L’axe Castres-Toulouse ne se fait pas uniquement par la RN 126 et il existe d’autres routes dans le Tarn bien plus fréquentées et bien plus accidentogène. La subvention d’équilibre demandée aux collectivités territoriales pour cet axe ne permettra plus d’autres investissements sur les autres routes. L’argument autoroute = sécurité pour tous est bien fragile, si on élargit le champ de vision à toutes les routes du département du Tarn. Environnement dégradé Les autoroutes ont été un facteur de développement de l’après-guerre. On peut les regarder comme un des éléments de la réussite économique des 30 Glorieuses, mais les années 80, 90, et 2000 sont passées par là et le bilan, pour cette nouvelle génération, se doit d’être contrasté. La course à la vitesse conduit à une dégradation de notre environnement. Un des éléments, aujourd’hui indiscuté, c’est le réchauffement climatique lié aux gaz à effet de serre. Or les transports sont responsables à 30% de ces émissions. Nous avons donc le devoir de concevoir nos projets collectifs de développement en tenant compte de cette contrainte qui nous impacte tous. Le projet d’autoroute prévoit des déplacements à 130 km/h et on sait l’extrême sensibilité de l’émission de GES à l’augmentation de la vitesse. Il y a un effet d’accélération des courbes qui ne suivent pas des effets linéaires, mais exponentiels. Les limitations de vitesse seront abaissées à l’avenir pour lutter aussi sur ce front. C’est déjà le cas aux abords de nombreuses villes françaises et dans de nombreux pays européens et cela n’a créé aucun drame. Les effets sont positifs : sécurité, économie de carburant, diminution du stress de conduite, baisse des émissions de GES, impact sanitaire bénéfique. Il n’est pas sérieux aujourd’hui de proposer la réalisation d’une infrastructure dimensionnée pour 130 km/h, et de mettre en avant des gains de temps basés sur cette vitesse limite. La France, dans un futur très proche, modifiera la législation dans ce sens, avec une étape à 120 km/h, pour arriver très vite à 110 ou 100 km/h. Certains automobilistes prennent déjà leurs responsabilités et adoptent ces vitesses sur autoroute de leur propre chef. Terres agricoles en danger Un des enjeux de l’alimentation de demain, intimement lié à la qualité de notre environnement, est le maintien en l’état, voire l’augmentation, de la part de notre territoire réservée à l’agriculture. Une production locale permet de limiter les déplacements des produits et donc les émissions de GES. Par ailleurs, elle favorise l’emploi local. De nombreuses personnes font aujourd’hui le choix d’acheter des légumes cultivés en France, elles retrouvent ainsi la notion de saisonnalité qui a un impact favorable sur le climat. Elles feront demain le choix de consommer des légumes made in Tarn … si cela est encore possible, pour tous. Car mettre en oeuvre un projet qui détruit plus de 300 ha de bonnes terres agricoles, qui dégrade les terres aux abords et celles qui seront ponctionnées pour réaliser des remblais en argile, empêche la collectivité d’envisager une autosuffisance alimentaire pour l’avenir. La construction d’une autoroute étant irréversible, il faut avoir la certitude absolue aujourd’hui de la nécessité de l’autoroute pour notre territoire avant de détruire la terre, non pas celle dont nous héritons, mais celle, comme il faut le voir avec sagesse, « nous empruntons à nos enfants ». Coût insupportable pour les collectivités locales L’autoroute concédée n’est pas indolore pour nos finances publiques. Ces dernières seront impactées via le versement de la subvention d’équilibre. Au fil des ans, le dossier est sans cesse revu à la hausse et le montant de cette subvention ne cesse de grimper. De 100 millions en janvier 2010, elle est passée aujourd’hui à 220 millions. On semble jouer avec les millions comme si 100 millions d’euros investis par ci ou par-là n’étaient qu’anecdote. Une telle inconséquence, de la part des décideurs politiques qui auront à voter l’octroi d’une telle subvention, mettra en péril l’équilibre budgétaire de nos collectivités. Nous avons bien d’autres dépenses à gérer et bien d’autres investissements à mener que ceux, nécessaires, dans les routes. Les services publics de l’école, de la justice, de la police, de la défense, de l’aide aux personnes en difficultés, de la santé … sont autant de postes nécessaires à la cohésion sociale et qui seront amoindris par la réalisation de l’autoroute. Il est à signaler aussi que de telles sommes, on parle de 37 millions d’euros pour le département du Tarn, ne pourront être financées que par l’emprunt, sur des durées de l’ordre de 30 ou 40 ans. Nous organiserions donc, en toute connaissance de cause, une rupture générationnelle en faisant supporter aux générations futures, un investissement qui est loin de se montrer une nécessité. Allongement du temps de parcours pour une majorité de gens Le temps de parcours et la fiabilisation du temps de parcours est un des aspects importants du dossier. Pour qui prendra l’autoroute, ces 2 données seront assurées, pas dans les proportions indiquées dans le dossier de la DREAL (35 minutes !), mais peut-être dans celles qui ont été fournies lors du débat public (10 à 15 minutes). Une majorité de personnes ne prendra pas l’autoroute, à cause du prix ou parce qu’elles ne font pas le trajet intégralement entre Castres et Toulouse. Pour toutes ces personnes, qui seront de loin les plus nombreuses, les temps de parcours vont s’allonger et leur situation sera dégradée par rapport à celle qu’ils connaissent actuellement. Il leur faudra repasser par les centres de Soual et de Puylaurens, ou opérer des contournements car l’autoroute barrera un certains nombres de routes secondaires, toutes ne seront pas rétablies. Gain de temps sans doute, mais pour une minorité de personnes. Avis de l’Autorité Environnementale (AE) Le nouveau recours à l’avis de l’Autorité Environnementale (inscrit dans la loi) est une avancée pour l’élaboration de projets d’infrastructure. Cela exige des porteurs de projets de présenter un dossier qui tient compte des considérations actuelles sur la préservation de notre environnement. Dans le dossier Castres Toulouse, la DREAL a présenté un dossier très faible sur ces points, qui ne permet pas à l’AE de faire un travail efficace. L’AE écrit en parlant des manques : « Leur nombre et la portée de ces manques rendent inabouti le résultat de l’évaluation environnementale ». Par ailleurs, l’AE recommande « d’approfondir la comparaison de la variante retenue avec la variante dite « ASP » conduisant à un aménagement sur place de la RN 126 ». C’est ce que nous demandons sans relâche depuis 2010 et le voir écrit par des « experts autorisés » nous confortent dans la légitimité et dans la nécessité de notre demande. L’AE écrit encore : « Les hypothèses retenues pour l’évaluation socio-économique du projet présentant des biais d’optimisme ou bien des erreurs, l’Ae recommande de reprendre ce calcul avec des hypothèses cohérentes avec les autres parties du dossier et plus proches de la réalité ». L’aspect socioéconomique du dossier, qui doit bien évidemment être positif, conforte la légitimité des porteurs du projet autoroutier. En effet, ils justifient la destruction de l’environnement par le gain obtenu en termes d’emploi. C’est le slogan qu’ils utilisent : autoroute = emplois. Seulement à lire l’avis de l’AE, on se rend compte que cette égalité est loin d’être acquise. Il faut s’arrêter sur les mots choisis : « biais d’optimisme ou erreurs ». Quand on connaît le langage châtié de l’administration française, on peut imaginer les adjectifs qu’utiliserait le commun des mortels. L’AE recommande de s’appuyer sur des « hypothèses cohérentes ». Dit autrement, les hypothèses qui aboutissent à un bilan socioéconomique positif ne sont pas cohérentes, ou insuffisamment cohérentes, voire incohérentes. Il y a quelque chose d’effrayant à la lecture de ces mots. Nous ne rentrerons pas plus dans le détail de l’avis de l’AE, mais sa lecture conforte notre position dans le fait qu’il n’y a aucune nécessité à la réalisation de cette autoroute pour notre territoire et pour ses habitants. Avis du Commissariat Général à l’Investissement (CGI) Ce deuxième avis rendu par une deuxième autorité administrative n’est pas non plus favorable au projet autoroutier et les termes employés sont tout aussi délétères pour le projet autoroutier. Le CGI constate que les coûts ont fortement évolué depuis le débat public de 2010 et que « le dossier présenté à ce stade pour l’enquête publique ne donne pas d’éléments pour établir à nouveau la pertinence du choix de la concession avec un péage élevé (10 centimes du km pour les VL). » Ce qui a été présenté au public en 2010, ne s’avère plus pertinent aujourd’hui. Le report de trafic sur l’autoroute est en effet extrêmement sensible au coût du péage, et 16 euros aller/retour est un frein considérable. Le bilan socioéconomique est remis en cause. En effet le dossier présenté par DREAL prévoit un retour de 2 € pour 1 € investi. Or le CGI déclare : « les hypothèses de modélisation qui sous-tendent les scénarios sont souvent assez simplificatrices ou insuffisamment adaptées au projet ». Le CGI pointe aussi l’absence de prise en compte de la différence des niveaux de revenus des populations et de son effet sur le gain de temps, pointant ainsi l’iniquité du projet. Concernant le gain de temps les éléments proposés par le maître d’ouvrage sont qualifiés de « peu convaincants » tant celui-ci est surestimé. Le CGI pointe aussi « la capacité de l’infrastructure » qui reste « très largement au-dessus des besoins exprimés à moyen et long terme ». Il est donc pointé que l’autoroute est un projet surdimensionné pour notre territoire. Sur l’impact global sur le territoire, le CGI pointe que Mazamet ne profitera que très peu du gain de temps, ce qui met à mal l’idée que c’est le bassin Castres-Mazamet dans son ensemble qui bénéficiera des effets de l’autoroute. Le périmètre d’impact positif pour la collectivité n’en est que réduit. Le CGI reprend la comparaison avec l’autoroute A 66 Toulouse Pamiers, qui sert souvent d’exemple à suivre pour les aménageurs locaux, et qui comme cela est rappelé, après 5 ans d’exploitation, a un bilan LOTI négatif, avec en cause « une surestimation initiale des niveaux de trafic et des gains de temps ». On comprend bien ici la logique de certains décideurs : les chiffres du trafic sont gonflés au départ pour justifier l’infrastructure et on fait le constat, à posteriori, que le trafic est moindre que prévu. Seulement, il est impossible de faire machine arrière, c’est la politique du fait accompli, qui ruine lentement les collectivités locales ainsi que leurs capacités futures d’investissements et dilapide notre précieux patrimoine environnemental. On pourrait reprendre encore beaucoup de phrases. Nous retenons l’idée que le projet expose à un « risque élevé de trafic moindre qu’espéré », et que « pour le même engagement financier », on pourrait aménager la route en maintenant la gratuité pour tous. Absence d’intégration du projet dans un plan multimodal. Il n’existe pas de plan de déplacements à l’échelle du territoire qui permet d’affirmer que l’autoroute est une nécessité dans le cadre de la multimodalité. La ville de Castres va se doter d’une gare multimodale, située sur le lieu de la gare SNCF. Quelle est la complémentarité de cette infrastructure avec l’autoroute Castres Toulouse ? Soit on prend le train pour aller à Toulouse, et on ne prend pas l’autoroute. Soit on prend l’autoroute, mais donc on ne prend pas le train et l’utilité de la gare SNCF et de son aspect multimodal en sont remis en cause. Une chose est certaine, on ne prend pas l’autoroute pour venir prendre ensuite le train depuis la gare de Castres car, soit on est déjà sur l’axe de la RN 126 et on ne repart pas en arrière, soit on est dans un périmètre hors autoroute et l’autoroute n’amène pas à la gare multimodale. La multimodalité, dans laquelle des millions vont être investis à Castres, n’est pas améliorée par l’autoroute. La multimodalité est pourtant un enjeu majeur en termes de déplacements et de réduction des GES. Quelle place pour le rail ? En matière de gain de temps, le rail est le moyen le plus efficace pour effectuer le trajet Castres-Toulouse. Ce qui ralentit aujourd’hui le trajet par rail, ce sont les nombreux arrêts à toutes les gares intermédiaires. Il est toutefois possible de mettre en place un cadencement pour que, 2 fois le matin et 2 fois le soir par exemple, un train transite rapidement, ou avec un arrêt ou deux sur tout l’itinéraire. On pourrait tomber en-dessous des 45 minutes. Il faudrait bien évidemment maintenir les trains omnibus pour que tous les usagers puissent bénéficier du service. Cela se fait dans de nombreux territoires depuis des années. C’est le cas entre Lille et Dunkerque par exemple. Cette demande n’a rien d’original, elle est d’ailleurs faite par la mairie et la communauté d’agglomération à Albi. La Région, qui s’est lancée dans un plan rail volontariste pourra étudier ce nouveau type d’approche. La DREAL, dans son dossier, a systématiquement dénigré le service rendu par la SNCF, trop cher, pas fiable, trop long selon elle. Mais si l’approche politique change, toutes ces données peuvent changer. Il est un point économique que la DREAL a omis. La méthode pour dresser le bilan socioéconomique consiste à monétariser les gains de temps. Or, un trajet effectué en train est un trajet où l’utilisateur est libre de son activité. Aujourd’hui, un ordinateur en ligne est devenu courant, les trains sont équipés du wifi. On peut donc travailler, régler des problèmes administratifs personnels, faire ses courses, … autant d’activité qui ont « une valeur économique », qu’il est impossible de réaliser lors de la conduite automobile. Ces activités permettent par ailleurs aux parents, en rentrant à la même heure, sans avoir subi le stress de la conduite, d’être plus disponibles pour la vie familiale. C’est un apport à la société considérable pour l’éducation des enfants. Ce confort de trajet pourrait aussi être valorisé en termes de santé publique et donc aussi monétarisé. Pré-étude de l’aménagement sur place ASP Le collectif des maires opposés à l’autoroute Castres-Toulouse a pris la décision de commander une pré-étude de l’aménagement sur place de la RN 126. C’est bien par défaut et pour combler une lacune inacceptable dans le débat que ces élu-es ont pris leurs responsabilités, avec le soutien de la Région Occitanie et du Conseil Départemental de Haute-Garonne, en engageant, à leur mesure, des deniers publics, pour l’information du public. Cela n’entame en rien la valeur du document qu’ils produisent dans la mesure où ils ont fait appel à des cabinets d’études indépendants qualifiés dans le domaine de l’aménagement routier. Certains ont cru bon de s’attaquer à des faiblesses ou des lacunes de cette étude mais il faut tout mettre en perspective, notamment les moyens mis en oeuvre par la DREAL pour constituer le dossier autoroutier. Pour nous, cette étude montre l’étendue des possibilités qui à ce jour n’ont pas été examinées. Au même titre que les rapports de l’AE et du CGI, ce sont des alarmes qui doivent nous conduire à reposer les choses, à nous dégager de l’obsession de la création d’une autoroute pour cet axe, et à envisager un projet de déplacements global pour le territoire, plus adapté à notre époque. La responsabilité de l’Etat est de commander une étude complète de l’ASP, pour montrer que le désenclavement routier peut se faire d’une autre manière que par le recours à une 2×2 voies. Conclusion La réalisation d’une autoroute est un pari sur l’avenir, basé sur des hypothèses du passé qu’on suppose encore d’actualité et fiables aujourd’hui et pour les 25 à 50 années à venir. L’imagination, l’innovation, la rupture sont d’autres paris, qui engagés au bon moment, peuvent assurer de nouvelles dynamiques porteuses d’avenir. Nous estimons que le monde tel qu’il est aujourd’hui nous impose de faire le pas de côté qui nous permettra de faire émerger notre territoire d’une façon différente des autres. Un tel choix permettrait de conforter les spécificités locales tout en créant une nécessaire ouverture sur les territoires voisins et pourrait par sa réussite, devenir une force d’entrainement. Nous évoluerons vers un modèle de développement en conformité avec les nouvelles conjonctures environnementales et sociales, qui permettra de moderniser et de consolider des politiques publiques qui, dans la période d’évolution rapide que nous vivons actuellement, risquent de devenir caduques. Stéphane DELEFORGE, porte-parole EELV Tarn