Cécile Duflot : « Mettre en échec la loi Macron est un devoir »
TRIBUNE – Cécile Duflot (EELV) critique la politique écologique de François Hollande et fait de la « mise en échec » de la loi Macron « un devoir ». Ce texte serait un recul « dramatique », affirme l’ex-ministre du Logement (2012-2014).
« Il se fait tard pour la planète. Tout le monde s’accorde à dire que, pour notre avenir commun, 2015 doit être l’année de l’écologie. Alors que 2014 a été l’année la plus chaude, l’urgence est de passer à l’action pour le climat. C’est aussi un moment de vérité : l’heure n’est plus aux grands discours contredits par les actes.
Le gouvernement démarre cette année avec un texte paré des atours de la modernité. La loi Macron serait un ‘coup de jeune pour la France’. Nous ne pouvons laisser faire un tel tour de passe-passe idéologique. Parce que lorsque l’on cède sur les concepts, on prépare toujours des concessions majeures. Non, la loi Macron n’est pas moderne. Elle est même d’un certain point de vue un grand bond en arrière, une occasion manquée de changer de modèle.
Beaucoup de critiques, souvent justes, ont ainsi pointé les risques sociaux du texte. Mais chose peu dite, ce projet de loi peut également marquer un net recul écologique du quinquennat. Après les timides avancées de la transition énergétique et l’abandon de la taxe poids lourds, ce pas en arrière serait dramatique. Alors qu’en 2015 la France s’apprête à accueillir la conférence mondiale décisive sur le climat, notre pays se doit d’être exemplaire. Or ce texte vient fragiliser le modèle environnemental français, déjà en retard.
Une lecture attentive du texte provoque une grande inquiétude chez les défenseurs de la nature. Une partie du projet de loi vise à ‘simplifier’ le droit de l’environnement. Alors que le dialogue avait été prôné lors de la conférence environnementale, il s’agit là d’un passage en force. La simplification est parfois nécessaire, je l’ai moi-même menée. Mais la méthode ici proposée est dangereuse. Elle permet d’alléger par ordonnances toutes les mesures du code de l’environnement qui viendraient soi-disant gêner l’activité et la croissance. Or le droit de l’environnement est justement un droit de protection face à la logique de marché qui a trop souvent sacrifié notre avenir pour des profits de court terme. S’il peut finalement être démantelé sur l’autel de l’activité, qu’en restera-t-il demain? Tous les défenseurs de l’environnement le savent, il y a toujours une fausse bonne raison liée à la croissance pour sacrifier une zone naturelle ou contourner des réglementations écologiques.
Par ailleurs, le texte porte aussi atteinte à la transition énergétique française. Après avoir envisagé de valider l’enfouissement des déchets nucléaires, le texte contient finalement des dispositions pour encourager l’exportation de centrales nucléaires. En prônant le transport par car, elle va renforcer le transport routier, premier facteur d’émissions de gaz à effet de serre. Certes, lorsqu’il n’existe pas d’autres alternatives, certaines lignes peuvent être nécessaires. Alors que cela fait des années que l’urgence commanderait d’améliorer les réseaux ferrés secondaires, ce texte organise la concurrence entre le rail et la route. En somme, au nom d’une certaine idée de la croissance, ce texte rompt avec des années d’amélioration progressive du droit en faveur de l’environnement.
En dépit de l’affichage de bonnes intentions vertes, le gouvernement a le tort de mener une course sans fin à la croissance, accrochée à un modèle périmé. À cette cécité écologique s’ajoute un renoncement social. Ainsi, le travail du dimanche, véritable régression et menace pour la cohésion sociale, est proposé sans être capable d’en mesurer l’impact économique. En facilitant le licenciement et en affaiblissant le code du travail, cette loi prend le risque à court terme d’accroître le chômage. En matière de logement, elle encourage les pratiques spéculatives de ‘la vente à la découpe’, qui menace les locataires aux faibles revenus.
‘Moderniser’, disaient-ils… Au final, le texte baptisé loi pour l’activité et la croissance, porté par Emmanuel Macron, est en fait un catalogue fourre-tout de vieilles idées des années 1980 enfouies dans les cartons de Bercy. Leur prétendue modernité est un recul. À la vérité, on tourne le dos à la modernité dont notre pays a besoin. La modernité réelle serait d’inventer un nouveau modèle social écologique, capable de répondre aux deux grands défis de notre époque : le dérèglement climatique et la montée des inégalités. La lucidité oblige à constater que ce texte emprunte le chemin inverse. C’est pourquoi mettre en échec cette loi est un devoir pour tous ceux qui ont encore de l’espoir et veulent inventer le siècle qui vient. Parce que parfois, le sursaut se fonde d’abord sur un refus. »
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