Ces terres qui ne sont rien

L’étalement urbain est un fléau identifié depuis de nombreuses années. L’artificialisation des sols participe de la dégradation de notre environnement. Cette ponction sur les terres agricoles handicape la réussite d’un objectif de souveraineté alimentaire et prive de nombreuses espèces d’espace vital. Ce triste constat est remis d’actualité dans un rapport de la Cour des Comptes1. En 10 ans, à l’échelle nationale, ce sont 596 000 ha (plus que le département du Tarn) qui sont passés dans l’aire urbaine. Ainsi malgré les discours, le rythme annuel de l’artificialisation des sols ne faiblit pas. L’an dernier, ce sont 23 500 ha (pratiquement la superficie de la CCTA) qui, made in France, ont été bétonnés ou bitumés. Pour l’essentiel cette prédation sur des sols vivants est destinée à l’habitat. Autant dire que ce sont les choix en matière d’urbanisme qui devraient être interrogés. A l’heure où il est question de passer la main à la communauté des communes pour la compétence urbanisme, regardons ce que nous livre l’observatoire de l’artificialisation des sols2 pour les communes de la CCTA :
  • Sur la période 2009-2019, ce sont 257 ha qui ont été artificialisés dont 173 pour l’habitat. Ces chiffres ne disent probablement rien à la plupart d’entre nous, mais ils peuvent être utilement comparés aux prévisions inscrites dans le SCoT du vaurais. Ce document validé à l’unanimité des communes fixait à 296 ha « la surface dédiée au développement résidentiel » pour une période de 20 ans3. Il est donc temps de resserrer les boulons si nous ne voulons pas dépasser ce seuil.
  • Avec 35 ha couverts par des logements, la commune de Saint Sulpice fait largement la course en tête. L’éparpillement des lotissements disséminés sur le territoire de cette commune en est la cause. Plus surprenant, c’est la commune d’Azas qui vient en seconde position coiffant Lavaur de quelques m2 (17,7 ha pour ces deux communes). À l’évidence, les responsables de la CCTA n’ont pas cherché à moraliser les pratiques des municipalités précédentes de cette commune rurale.
  • Ces chiffres n’intègrent pas l’épée de Damoclès que représente la ZAC des Portes du Tarn. Avec les 196 ha de cette zone, seule une toute petite partie (moins de 8 ha) a été soustraite de son aire naturelle. Le reste est à venir. Bien évidemment, le projet TERRA 2 fait figure d’épouvantail. Il suffirait d’une autorisation préfectorale et ce seraient 17 ha qui basculeraient d’un coup du côté obscur de l’aménagement du territoire. La kyrielle des camions qui viendraient par la suite s’accoler à cette verrue logistique ne ferait qu’aggraver l’impact environnemental désastreux de ce projet.
La fonte historique de la biodiversité est un sujet dont nous évitons de voir les causes qui sont à nos portes (en particulier à nos Portes du Tarn). La communication guillerette de la SPLA sur le miel savoureux de la ZAC, les bucoliques jardins partagés ou les zones humides préservées n’est qu’un cache sexe. L’écologie n’est pas une ambition pour nos élus et leurs attachés. Plagiant le Président de la République, ils doivent se dire : voilà des terres « qui ne sont rien », voire des terres « non essentielles »… 1 – Publication en date du 12 novembre 2020 : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-leviers-de-la-politique-fonciere- agricole 2 – https://artificialisation.biodiversitetousvivants.fr/parution-des-donnees-dartificialisation-2009-2019 3 – P 17 du Document d’Orientations et d’Objectifs (DOO) du Schéma de Cohérence Territoriale voté le 19 mai 2016.