Discours de Julien Bayou – Conseil fédéral d’EELV – 4 et 5 décembre 2021
Bonjour à toutes et tous, chers amies,
Ce conseil fédéral intervient 126 jours avant le premier tour. Nous savons que la présidentielle sur-détermine tout dans cette démocratie parfois si peu mature ;
Je le déplore. Je rêve d’une démocratie où la composition du Parlement n’est pas indexée sur la présidentielle; où l’Assemblée nationale peut vraiment jouer son rôle. Il faut parvenir au pouvoir pour en changer les règles.
C’est bien l’objectif que nous nous fixons en 2022. Faire gagner l’écologie.
Dans l’attente, je vous invite à considérer, quoi que l’on en pense, présidentielle et législatives sont une seule et même séquence. Aussi, vous qui allez définir les modalités de désignation, vous avez une responsabilité : nos débats et notre démocratie sont vivaces, utiles, féconds constructifs le plus souvent.
L’enjeu c’est de ne pas compromettre notre capacité de mobilisation, notre présence sur le terrain dans cette précampagne. Pour avoir un groupe majoritaire à l’Assemblée, pour mener à bien le projet écologiste, il faut gagner la présidentielle.
C’est critique, c’est maintenant. Nous n’avons plus le temps.
Finalement il n’y a plus que 3 offres sur la table.
Le passé, le présent, le futur. Un projet du passé fantasmé de l’extrême droite (l’Algérie française et les femmes à la maison) un projet conservateur du statu quo, le cercle de la « raison », les gens « crédibles », défendu par le président sortant (la finance l’emporte toujours sur la justice sociale et la lutte contre le dérèglement climatique), et un projet qui prend à bras le corps le dérèglement climatique, les inégalités sociales et le renouveau de notre démocratie pour dessiner un futur enthousiasmant pour notre société. C’est ce projet que défend Yannick Jadot et qui doit rassembler tous les progressistes.
Et on voit bien que toutes les formations tournent autour de ces 3 grands axes.
Cette droite qui court après l’extrême droite au point d’en perdre les repères les plus basiques.
Cette droite autrefois républicaine qui ne sait plus si elle préfère de Gaulle ou Pétain.
Ou alors cette gauche qui ne sait pas si elle doit être écolo ou sociale. Alors que nous, nous savons que les questions de justice environnementale et sociale sont intrinsèquement liées, et bien cette gauche hésite. Plutôt social ? Plutôt écolo ? C’est cette même gauche qui hésite qui, au final au pouvoir, finit par ne faire ni l’un ni l’autre.
C’est cette gauche qui se dit qu’il faut être de droite pour être crédible.
Crédibilité.
Je veux m’attarder là- dessus.
Je ne vais pas vous faire l’offense de vous présenter le projet à vous, qui l’avez voté en juillet. Mais je veux m’attarder sur cette question de la crédibilité.
Quittons ces affreux complexes. Je ne dis pas que nous avons raison sur tout. Mais mesurons le discrédit des personnes qui nous prennent de haut.
Débarrassons nous de ces complexes. Surtout quand on voit le bilan de ce cercle de la raison et de la crédibilité.
La dette, le chômage, l’insécurité, l’inaction climatique ? C’est eux.
Alors qui est crédible ?
On apprend que depuis 13 ans, la diplomatie travaille à ce grand contrat de 60 Rafales vendus aux Émirats Arabes Unis.
Depuis 13 ans, sous 3 présidents, notre diplomatie s’emploie à favoriser ces contrats. On comprend mieux du coup les génuflexions devant ces monarchies pétrolières, ainsi que les silences face aux atteintes aux droits LGBT : les sanctions peuvent inclure l’expulsion, les castrations chimiques, les amendes, la peine de prison et la peine de mort.
On comprend mieux les silences face aux implications des Émirats Arabes Unis dans les crimes au Yémen. Ce sont des armes françaises qui affament et contribuent au massacre de civils.
On comprend mieux les silences face à ces monarchies qui ont pu soutenir financièrement des groupes terroristes.
Et on devrait applaudir ces ventes d’armes ?
C’est ça la crédibilité ? Notre diplomatie et nos valeurs et demain notre sécurité bradées pour les profits de quelques vendeurs d’armes ?
Crédibilité ?
La crédibilité c’est d’estimer que notre sécurité est mise en cause quand 4000 personnes hommes femmes et enfants espèrent rejoindre la Pologne et l’Europe ?
La Fraternité est l’étendard de notre vision humaniste de la société. Quand 4 000 personnes frappent aux portes de l’Europe, n’ayons pas peur dans la confusion ambiante, de l’affirmer : oui, nous devons accueillir ces personnes qui subissent la misère, le froid et la peur. Oui notre devoir est de mettre fin à l’instrumentalisation des migrantes et des migrants en pratiquant une politique d’accueil digne et juste, et en régularisant toutes celles et tous ceux qui sur notre territoire occupent parfois des fonctions indispensables comme nous l’avons vu pendant la crise mais à qui on dénie l’accès aux droits. Je suis fier de voir Yannick Jadot l’affirmer fermement dans une période où les boussoles semblent déréglées et les idées de nombre de responsables politiques polluées par les idées rances de l’extrême droite.
Crédibilité.
Comment être crédible quand on n’agit pas face à la menace existentielle du dérèglement climatique ?
Je n’évoque même pas l’extrême droite française encore enfermée dans le climatoscepticisme;
Qui n’a pas agi, qui a échoué, qui incarne l’impuissance aujourd’hui sur le sujet du dérèglement climatique par exemple ?
Nous sortons à peine de cette COP 26. Qu’en est-il sorti sinon la conviction renforcée que nos gouvernant-es ne sont pas à la hauteur ? Les images du Président de la COP qui s’excuse résument l’affaire. L’urgence est plus grande que jamais et notre gouvernement tergiverse et recule.
La crédibilité c’est quoi ? Donner des leçons sur le dérèglement climatique alors qu’on vient d’être condamné pour son inaction ?
On a un Président qui se permet de venir à la COP avec de nouvelles belles paroles pour faire la morale littéralement à l’Humanité toute entière, alors que la France a été condamnée pour son inaction climatique, alors qu’il a piétiné les propositions de la convention citoyenne pour le climat, alors qu’il n’a pas répondu à l’attente des millions de signataires de la moblisation l’affaire du siècle.
Ce cynisme est impardonnable tant les conséquences sur notre planète sont grandes.
La transition écologique dans notre pays est au point mort. A la place nous avons le droit à des mirages. Un Président qui nous annoncent des EPR et des SMR, alors même que nous n’avons pas consommé un kilowatt/heure de l’EPR de Flamanville dont le coût est passé de 3 à 19 milliards, et alors même que les SMR sont une chimère dont nous n’avons même pas un plan ou un prototype, renvoyant quelconque opérationnalité à 2040 ou 2050, c’est une honte.
C’est ça la crédibilité ? Développer des EPR qui ne marchent pas et miser sur une technologie qui n’existe pas encore ?
Et c’est nous qui serions hors sol ?
La décennie du climat c’est maintenant ; ces SMR ne sont et ne seront pas prêts ; Quant aux EPR, c’est encore plus ridicule : il devait ouvrir en 2012 ; celui de Finlande a 10 ans de retard et celui de Taishan en Chine est à l’arrêt après une fuite radioactive; la vérité c’est que miser sur l’EPR c’est le retour à la bougie.
Je note également que la candidate de la droite fervente partisane des EPR en veut partout sauf en Ile de France.
Bonjour la cohérence ; tout cela n’est vraiment pas sérieux. Je me fais plus grave quand il s’agit de Saint-Avold et de l’avenir de ces salariés ; cette centrale à charbon sur le point de fermer mais où les salariés sont sans nouvelle du plan de reconversion et on nous reproche à nous les conséquences de la transition écologique. Mais c’est justement l’absence de transition qui est en cause.
La sortie du charbon, c’est pas tout à fait une idée récente, c’est un engagement déjà du président précédent ; et Macron élu en 2017 l’avait déjà promis. La fermeture approche à St Avold et les salariés n’ont pas de nouvelles d’un quelconque plan de reconversion.
Je veux dire que je partage le désarroi et la colère de ces ouvriers abandonnés, trompés, arnaqués par le gouvernement. Nous aurions fait différemment mieux et nous ferons différemment et mieux : différemment c’est pas d’aide sans contrepartie sociale et environnementale; mieux c’est le projet de réindustrialisation et de relocalisation que nous portons avec Jadot ;
Et dans l’attente nous sommes avec eux, et je profite de cette tribune pour apporter mon soutien, notre soutien à l’usine SAM, un autre exemple de cette belle “crédibilité”. En Aveyron, fonderie que Renault le principal client a refusé de soutenir malgré les milliards déversés sur le constructeur automobile sans contrepartie, comme en 2008 où le résultat a été 1° triche test diesel 2° délocalisation et pertes emploi 3° à fond sur les SUV.
En 2020 rebelote : désormais Renault consacre l’argent du plan de relance à financer les départs de ses salariés.
Bref ceux qui ont foiré c’est eux, pas les écologistes, les amateurs c’est eux. Nous aurions fait et nous ferons différemment.
Les idéologues c’est eux.
Ce sont des idéologues, qui font mine de croire au ruissellement contre l’évidence même ; et qui mettent la science et le GIEC de côté. Qui passent leur temps à instrumentaliser les sujets les uns après les autres, pendant ce temps là, ils laissent s’installer dans le pays une crise sociale majeure en feignant de pas voir ce qui couve.
Prenons la situation en Guadeloupe. Je sais qu’une prise de parole de nos ami-es des outre-mers est prévue pendant ce Conseil fédéral, ils y reviendront mieux que moi, mais tout de même quelques mots.
Une crise liée à la politique sanitaire mais qui révèle en réalité le sentiment d’abandon et d’injustice de toute une île. Comment demander à ses habitant-es d’avoir confiance dans la parole de l’Etat quand c’est l’Etat qui ne prend aucune mesure pour assurer l’accès à l’eau potable, quand les services publics de base ne sont pas assurés, quand c’est l’Etat qui refuse d’agir pour lutter contre la vie chère, une île ou les produits de première nécessité sont parfois deux fois plus chers qu’en métropole. Quand le Ministre n’ose même pas aller sur place, trop occupé à préparer la campagne du président candidat.
Quand le président lui-même est dans le déni, la tromperie face au scandale du chlordécone, autorisé il y a 50 ans alors qu’il était interdit partout ailleurs. des sols pollués pendant 700 ans, le record du monde de cancers de la prostate et de manière bien compréhensible, la défiance à l’égard des injonctions de Paris et métropole;
Nous aurions fait et nous ferions différemment. Il en va de même vis à vis des violences sexistes et sexuelles.
C’est quoi la crédibilité de ce gouvernement qui avait promis d’en faire la grande cause du quinquennat ?
L’ampleur du phénomène des violences sexistes et sexuelles dans notre société mérite tellement mieux, notamment où la parole commence à se faire davantage entendre dans certains milieux.
C’est quoi la crédibilité d’un gouvernement qui nomme Darmanin et Hulot ministres ?
Et qui maintient Hulot face aux accusations, et qui envoie sa Ministre en charge du droit des femmes signer une tribune pour soutenir son Ministre alors que sa place était aux côtés des victimes ?
Là encore nous aurions fait et ferons différemment.
A commencer déjà par dire aux victimes nous vous croyons. Et nous organiser au sein d’EELV pour commencer à agir avec la création de cellule pour améliorer l’écoute des victimes, et pouvoir le cas échéant prendre des sanctions. Ce travail est long, difficile, inconfortable mais tellement nécessaire. Je tiens d’ailleurs à témoigner une fois encore mon soutien à celles et ceux qui parlent et témoignent. Et aussi à celles et ceux qui s’engagent pour accueillir la parole, dont le travail est lourd.
Au pouvoir, nous agirons pour changer de braquet. Un milliard d’euros tout de suite, pour agir enfin à la hauteur des besoins dans la société. Une action tous azimuts y compris pour la protection de l’enfance face aux violences et à la pédocriminalité qui ronge notre pays.
Formation, prévention, sanction.
Je ne comprends pas le silence assourdissant du président sur ces questions.
Un président déjà candidat qui décide tout seul de tout et pour tout le monde. Nous voilà de nouveau comme en suspension face à l’incertitude liée au COVID. Que va-t-il décider et quand ? Comme si il n’avait rien appris 18 mois de crise sanitaire, aucune concertation avec les élus locaux des territoires. 18 mois et nous n’avons toujours pas levé les brevets pour permettre la vaccination sur l’ensemble du globe, trop occupés à protéger les profits des grands laboratoires pharmaceutiques.
18 mois et l’hôpital public est plus que jamais au bord de la rupture. 30 ans de sous investissements massifs au nom de la crédibilité financière
des années de casse de la fonction publique, et des lits encore supprimés l’année dernière et nous voilà au bord du gouffre. Nous sommes aujourd’hui même dans la rue aux côtés du personnel soignant pour dire notre attachement à l’hôpital public, non la santé n’est pas une variable d’ajustement, non elle ne doit pas être soumise à quelconque critère de rentabilité.
Est ce qu’on mesure la situation ? Depuis quelques années la mortalité infantile repart à la hausse dans le pays. en partie à cause des difficultés d’accès aux soins;
C’est cette information qui devrait occuper notre débat public.
Notez que pendant ce temps là, la droite empêtrée dans son idéologie, fait toujours la course à qui supprimera le plus de fonctionnaires. Et après évidemment on s’étonnera du manque de soignants, d’enseignants, de policiers.
Je pourrais continuer longtemps ; Voila pour la crédibilité de ces personnes qui nous gouvernent ou nous ont gouvernés.
Nous allons dessiner un autre chemin, avec l’ensemble de la famille écologiste, unie derrière Yannick Jadot. En 2022, nous avons rendez-vous avec les Français-es. C’est le projet écologiste qui reprend le fil des grandes conquêtes sociales de l’Histoire. Travailler moins, travailler mieux, respirer un air sain, manger mieux et local.
Mais je veux dire aussi : Dans cette période confuse où nombre de forces républicaines semblent chavirer,
c’est le projet écologiste qui poursuit l’idéal républicain.
Oui, la République écologiste affirme notre destin terrestre commun et parachève donc le projet républicain et universaliste : unité du genre humain, pas de frontière dans la solidarité, pas de frontière dans la lutte commune à mener face à l’urgence climatique.
L’universalisme est un idéal, mieux, un objectif à atteindre, celui qui donne à toutes et tous la réalité de la promesse républicaine de liberté, d’égalité et de fraternité.
La lucidité c’est de regarder le monde tel qu’il est. « Le courage, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel » disait Jaurès dans son discours à la jeunesse.
Le réel c’est que le concept d’universalisme se vide de sa substance lorsque les injustices et les inégalités prospèrent. Pour les femmes, quand celles-ci n’ont pas accès à l’égalité salariale ou luttent trop seules face aux violences du patriarcat. Pour les personnes discriminées qui vivent la montée du racisme dans notre société comme une souffrance quotidienne, pour les juifs toujours plus victimes de l’antisémitisme dans notre pays et en particulier venant de l’extrême-droite, pour les personnes en situation de handicap victimes de l’absence de volonté politique dans les politiques d’inclusion, la liste pourrait être encore longue.
Et évidemment la lucidité, le réel c’est constater le fait que certaines personnes subissent l’empilement, la conjonction, l’intersection de différentes discriminations. Ne pas se contenter de proclamer l’universalisme mais se donner les moyens de le rendre concret, c’est cela le véritable projet républicain. Renoue avec l’idéal républicain, ce n’est pas se contenter d’en rappeler les grandes heures de manière assez paresseuse ou incantatoire mais c’est travailler activement à s’en rapprocher. C’est comme cela que j’imagine demain une République écologiste.
Demain faisons gagner un projet républicain qui fait face aux défis du 21e siècle : le dérèglement climatique et les inégalités qui fleurissent partout, ces deux défis qui se conjuguent et menacent jusqu’à la dignité humaine et nos sociétés. Faisons gagner un projet qui réponde à cette aspiration à une France où l’environnement, la justice sociale et la démocratie reprennent leurs droits.
Dessinons un pacte de proposition commune pour créer la dynamique et engager le rassemblement au delà de la famille écolo déjà rassemblée
Pour le climat : ISF climatique, plan de rénovation thermique, conditionnement des aides, développement des ENR
Pour la justice sociale : hausse des bas salaires, sécurité sociale de l’alimentation, lutte contre la fraude fiscale, égalité salariale, autonomie de la jeunesse.
Pour réparer notre démocratie: déprésidentialisation, indépendance de la justice et des médias, et droit de vote des étrangers
Assumons ce rôle moteur, celui de la clarté et de la cohérence
Rassemblons et assumons notre responsabilité dans cette recomposition autour du projet d’avenir qu’est l’écologie.
Faisons mieux encore : ne nous en tenons pas à des discussions entre partis politiques. La sève est dans la société. Retenons les précieuses leçons de Chico Mendes ou Wangari Mathaï : le meilleur des programmes vaut peu s’il se tient éloigné des dynamiques populaires qui peuvent permettre sa mise en œuvre. Les associations et les syndicats travaillent déjà à dessiner ce projet de société. Alors engageons le débat : nous souhaitons travailler à offrir des solutions à leurs revendications, pour gagner enfin et transformer notre société.
Notre responsabilité est immense. Dans cette période de grande confusion, nous voyons la prophétie de Murray Bookchin se matérialiser; écologie ou barbarie. Nous y sommes;
Faisons gagner l’écologie.
C’est ça l’enjeu.
Alors en campagne. »
Julien Bayou
Seul le prononcé fait foi.