Gérard Onesta (EELV): « On est en capacité de gagner »

L’un des leaders de la démarche citoyenne soutenue par six partis de la gauche non gouvernementale évoque un potentiel similaire à Podemos à Barcelone. Chef de file d’EELV en Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon, le vice-président sortant du Conseil régional de Midi-Pyrénées est à l’initiative, avec le Parti de Gauche et le mouvement régionaliste, d’une démarche innovante de participation citoyenne. Rejoint en juillet 2015 par la plupart des formations du Front de gauche, dont les communistes, leur «Projet en commun» s’avance comme une alternative crédible à l’alliance PS-PRG. Côté Toulouse : Six formations politiques, dont EELV, le PCF et le Parti de gauche, soutiennent aujourd’hui «Le Projet en commun» et votre plateforme contributive ouverte via internet a recueilli, en un mois, plusieurs centaines de contribution citoyennes. Parlez-vous d’ores et déjà de réussite ? Gérard Onesta : Je dois avouer qu’il y a très longtemps que je n’avais pas vécu une période politique comme celle-ci. J’ai rarement ressenti un tel enthousiasme. Oui, un mois après son lancement, cette démarche citoyenne paraît réussir. Parce que nous recevons en effet beaucoup de contributions sur notre plateforme, parce que des formations politiques acceptent de rejoindre cette initiative à rebours de certaines habitudes de la vie politique. Pour autant, il faut avoir la sincérité, la responsabilité et l’humilité de considérer que cette réussite est encore à construire. CT : Qu’est ce qui freine votre enthousiasme ? Gérard Onesta : C’est un pari incroyable que nous avons lancé sur la base d’un constat. Les citoyens sont aujourd’hui écœurés au point de déserter les urnes, laissant penser qu’ils se désintéressent de la chose publique. Pour autant, les mêmes ont une grande capacité d’implication dans de multiples débats, se mobilisant pour la fermeture d’une école ou d’un bureau de poste, se levant contre une agression au bons sens ou à l’environnement comme à Sivens. Les citoyens sont écœurés mais restent impliqués. Quel est le problème ? Nous vivons une rupture de confiance entre le citoyen et celui à qui il délègue la chose publique par la démocratie. Notre pari est d’essayer de réinventer un mécanisme de prise de décisions, une façon tout autre de faire de la politique. Casser les codes n’est pas facile, recréer de la confiance entre des citoyens et une classe politique qui a tant déçu n’est pas facile, il faut le dire en toute sincérité car parler vrai et être sincère, participent aussi à casser les codes. Il reste des étapes à franchir. CT : Justement, quand et comment seront traitées les contributions citoyennes et comment les formations politiques encadrant cette démarche travailleront-elles sur ce socle programmatique? Gérard Onesta : Des équipes de consensus sont déjà à l’œuvre pour l’exégèse des propositions formulées par les contributeurs. Fin août, il s’agira d’aboutir à un socle partagé et cohérent que les formations politiques devront approuver avant restitution publique le 7 septembre. Ce projet sera le juge de paix de notre démarche, celui qui dira si nous avons réussi ou pas. Juge, car il dira si oui ou non nous sommes capables de dépasser nos petites étiquettes en déterminant que ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous différencie. Paix, car les égos sont et resterons derrière le projet véritable mécanisme pacificateur. CT : Cette démarche et ses intentions nouvelles ne risquent-elles pas de voler en éclat lorsqu’il faudra retourner à cette bonne vieille praxis électorale: celle de l’entre-deux tours et des négociations avec le PS/PRG dans l’optique de la très probable triangulaire qui animera le second tour des élections régionales ? Gérard Onesta: Il faudra négocier et fusionner. Celui qui sera en tête des propositions de la gauche au soir du premier tour l’impulsera. Et on est en capacité d’être devant la liste PS/PRG au soir du premier tour comme on est en capacité de gagner Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon. Ce qui s’est passé lors des municipales de Grenoble et plus récemment de Barcelone, nous sommes en train de le faire puissance 1000 sur un territoire grand comme l’Autriche. CT : Mais dans le cas où Carole Delga (PS) sortirait en tête des listes de gauche au premier tour … Gérard Onesta : Dans le pire des cas, le PS ne fera pas ce qu’il veut et ne pourra plus agir comme par le passé. En 2010, en Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon Martin Malvy et Georges Frêche, qui furent ensuite élus, ont viré en tête du premier tour avec 40% des suffrages. Cette fois-ci, Carole Delga stationnera à vingt points, moitié moins qu’en 2010 … Ce n’est pas la même légitimité. Au mois de décembre, soit nous serons le chef de gare de la gauche, soit les responsables de l’aiguillage. Dans les deux cas, nous imprimerons une vrai alternative aux pratiques politiques actuelles. Recueilli par Pascal Pallas L’Echo du Tarn, 31 juillet 2015