Lettre à l’attention de la France Insoumise et des autres partenaires de gauche
À l’issue du premier tour, le risque que fait peser la possible victoire de l’extrême droite dans notre pays nous occupe, nous inquiète et nous mobilise.
Nous nous accordons je crois sur le fait que quelle que soit l’issue du scrutin du 24 avril, il faudra affronter les politiques libérales et anti écologistes dans le prochain quinquennat. Mais ce n’est pas du tout la même chose de combattre un démocrate dans les institutions et dans la rue, que de donner les clés de la Ve République à l’extrême-droite. Il n’y a pas d’ambiguïté.
Cette exacte et déprimante redite de 2017 révèle un besoin de collectif et d’humilité. Elle nous appelle à respecter l’humus et à nous méfier de l’hubris : entendons ensemble ces appels à ne pas rester bloqués sur nos Aventin respectifs, à réitérer ainsi ce qui a peut-être participé à précipiter ce nouvel échec.
Nous écologistes devrons tirer toutes les leçons de cette campagne et de son résultat. Pour autant, notre présence aux législatives est assurée pour porter avec force le projet écologiste. Et si la transition écologique n’est clairement pas à l’ordre du jour au niveau national, elle se déroule sous nos yeux grâce à l’implantation locale croissante des écologistes et l’action des municipalités vertes, le plus souvent ouvertes et diverses puisque composées aussi d’insoumis, de socialistes et / ou de communistes.
Votre situation objectivement meilleure vous confère une grande responsabilité. Même si votre résultat se solde par une déception électorale, il signe une réussite dans la mobilisation de toute une partie de la population. Mais ce nouveau revers illustre aussi les limites d’une stratégie, celle de tout miser sur la présidentielle et sur la seule force d’un mouvement. Comme vous certainement, nous savons qu’il est hors de question d’attendre la prochaine élection présidentielle pour que la politique menée change.
Comme en 2017, la France Insoumise et Jean-Luc Mélenchon, par leur score indiscutable, en détiennent les clefs. A l’époque, votre choix avait été lourd de conséquences: pour vous en transformant les quasi 20%à la présidentielle en seulement 17 député-es d’opposition, pour nous en se traduisant par l’absence de député-es écologistes dans l’hémicycle. La FI a aujourd’hui le même choix à faire : envoyer un groupe de député-es d’opposition à gauche pour résister mais sans réels moyens d’actions, ce qu’elle peut faire seule… ou tenter de réellement peser sur le cours des choses en étant le moteur d’une coalition majoritaire capable numériquement de s’opposer comme de construire, possiblement en formant 1 ensemble une majorité à l’Assemblée. Séparément, personne n’y parviendra.
Le choix est donc simple : asseoir une domination à gauche ou s’attacher à construire un axe de résistance et d’alternance a l’Assemblée nationale. Dans la perspective de cette seconde option, nous proposons donc de construire un pacte de non-concurrence afin de qualifier le plus de nos candidat•es aux second tour dans la perspective de victoires les plus nombreuses possibles. Nous vous proposons une nouvelle méthode qui combine prise en compte du résultat du premier tour de la présidentielle et réalité des dynamiques électorales observables dans les élections intermédiaires.
Ne pas tenir compte du résultat du premier tour de la présidentielle ne serait pas réaliste, ne tenir compte que de lui seul revient à ne pas souhaiter d’accord tout court. Nous devons prendre en compte pour cela les résultats de l’élection présidentielle et des scrutins précédents ainsi que nos ancrages locaux respectifs.
La fin est dans les moyens comme l’arbre est dans la graine : cette méthode, directement issue d’une proposition citoyenne, combine prise en compte du vote de dimanche sans discussions interminables sur le volume du vote tactique, ainsi que le respect de la diversité des forces politiques et de leurs forces aux élections régionales ou européennes. Elle matérialise le respect de la proportionnelle et le refus du présidentialisme, deux axes forts de cette VIe République que nous appelons conjointement de nos vœux et souhaitons faire advenir.
Une clef de pondération, indicative, est à discuter en préalable à toute décision, entre nous et avec les partenaires qui souhaiteraient se joindre à cette initiative. Il ne peut être question de demander en préalable un plein alignement sur le seul projet ou sous la bannière de l’un ou de l’autre. Nous avons des désaccords importants qu’il ne s’agit pas de minimiser et qui ne sauraient être surmontés en quelques semaines.
Mais nous nous sommes également souvent retrouvés ensemble, dans les institutions comme dans la rue, pour faire face à la casse sociale et l’inaction climatique de ce quinquennat, nous l’avons tous et toutes bien en tête.
En mars vous nous écriviez “Le temps presse pour engager le changement de cap salvateur”. Réussir les législatives, c’est le meilleur moyen de ne pas perdre cinq ans de plus, les citoyennes et citoyens nous intiment d’y parvenir. Demain si vous l’acceptez, travaillons dans le respect, avec celles et ceux, de gauche et écologistes, qui le souhaitent, à créer les conditions d’un basculement politique de grande ampleur pour faire renaître l’espoir.
Nous vous proposons de nous voir pour en discuter.
Julien Bayou, Secrétaire national EELV