Voter Macron sans hésitation, sans ambiguïté, en toute clarté (Le Monde)
Dimanche 24 avril, je déposerai un bulletin Emmanuel Macron dans l’urne pour empêcher Marine Le Pen et l’extrême droite d’accéder au pouvoir dans notre pays. Ainsi que je l’ai indiqué le soir même du premier tour, je le ferai sans hésitation, sans ambiguïté, en toute clarté.
Si je réitère ici cet appel à la mobilisation républicaine, c’est que rien ne me rassure dans cet entre-deux-tours. La colère et la lassitude sont devenues de puissants ressorts de vote extrême et d’abstention que les sondages ne savent pas mesurer. En réalité, rien ne garantit une défaite de l’extrême droite le 24 avril.régression écologique sans précédent »
S’abstenir, voter blanc ou nul c’est rendre possible la victoire de Marine Le Pen. Il ne s’agit ici ni de culpabiliser, ni de délégitimer la défiance accumulée envers la politique, après tant d’années de promesses trahies et d’impuissance à anticiper et à régler les crises profondes auxquelles nous sommes confrontés. Mais de nous responsabiliser face à l’essentiel démocratique qui se joue dimanche.
Certains responsables politiques, parfois si prompts à évoquer « l’Histoire », avec un grand H, feignent d’en oublier les leçons : quand le bloc d’extrême droite dépasse 30 % au premier tour, vanter le « ni-ni » revient à jouer à la roulette russe. Et miser sur la responsabilité des autres pour flatter une partie de son électorat n’est pas à la hauteur de l’enjeu de civilisation qui se pose. Personne ne devrait minimiser le risque d’une victoire de Marine Le Pen, qui serait fatale pour notre démocratie, pour la paix civile, pour le climat, pour la solidarité, pour la dignité. L’extrême droite au pouvoir, c’est un autre monde, aux antipodes de celui dont nous rêvons et que nous entendons construire.
Un autre monde où l’extrême droite ne rend jamais le pouvoir autrement que dans la violence et le chaos. La tentative de coup d’Etat des partisans de Donald Trump, les défilés militaires de Jair Bolsonaro pour intimider les Brésiliens face à la perspective d’une victoire de Lula [président de gauche au pouvoir au Brésil de 2003 à 2011], la disparition de tout moyen d’information libre en Hongrie sous la férule de Viktor Orban, de l’indépendance de la justice en Pologne sous celle de Jaroslaw Kaczynski, les attaques contre les droits des travailleurs, des femmes, des LGBT, des minorités ethniques… devraient nous rappeler cette évidence : l’extrême droite n’est jamais une alternance démocratique ni une impasse passagère.
Faut-il aussi rappeler, alors que se poursuit le martyre du peuple ukrainien à force de viols, de bombardements, de tortures et d’exils, la complicité ancienne, jusqu’à la dépendance financière, de Marine Le Pen et du Front national/Rassemblement national à l’égard de Vladimir Poutine ? Je le redis : les complaisances à l’égard du chef du Kremlin ne relèvent pas de simples désaccords de politique étrangère. Ils soulignent l’importance que chacun accorde à la démocratie, aux libertés, à la dignité. Laisser Marine Le Pen l’emporter, c’est laisser les mains libres à Vladimir Poutine en Ukraine, contre notre sécurité et la liberté en Europe, c’est mettre notre pays sous ingérence étrangère.
Partout, l’extrême droite véhicule de vieilles lunes climatosceptiques. Alors qu’il nous reste trois ans pour réagir, d’après le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, alors que la jeunesse de France crie sa colère de voir ce combat sans cesse retardé, il serait criminel pour la survie de notre planète de laisser l’emporter un mouvement dont l’une des premières mesures serait de mettre à bas des éoliennes et de s’opposer à l’indispensable coopération internationale pour sauver notre avenir. Une pensée politique qui repose sur le « nous contre eux » ne peut régler aucun des défis qui s’adressent à l’ensemble de l’humanité.
Enfin, en dépit des apparences sociales qu’elle veut se donner, l’extrême droite est et reste la négation de la solidarité. Que chacun mesure qu’au lendemain d’une élection de Marine Le Pen, les étrangers dans notre pays se verraient interdire l’accès à la solidarité nationale, introduisant une stigmatisation d’Etat contraire à toute l’histoire de notre République. Inutile de préciser ce qui s’abattrait alors sur toutes celles et ceux qui se mobilisent pour l’accueil des exilés.
Je ne cesserai jamais de dénoncer le harcèlement des migrants par Emmanuel Macron et ses ministres de l’intérieur depuis cinq ans. Mais nous pouvons nous battre contre cela en démocratie grâce à des citoyens mobilisés, avec la force du droit qui n’autorise pas la préférence nationale. Avec l’extrême droite, c’est le mur de l’apartheid qui s’imposerait, sans compter la libération de la parole et des actes racistes et de discrimination.
Je l’ai dit aussi, au soir du premier tour. Ce vote Emmanuel Macron ne vaut pas quitus pour son bilan marqué par l’inaction climatique, le déni social et le mépris démocratique. Pas plus qu’il ne vaut soutien à un projet inspiré par la brutalité sociale et une incompréhension profonde des nécessités de la transformation écologique. Mais la meilleure manière d’imposer à Emmanuel Macron une politique réellement à la hauteur des urgences sera de donner de la force, à l’Assemblée nationale, à un bloc écologiste, social et républicain puissant. Car il faudra bien, et vite, très vite, lors des élections législatives, voir la situation en face et agir. Il faudra bien voir l’urgence vitale de la bataille pour le climat et la biodiversité. Il faudra bien voir les menaces contre la démocratie, ici et en Europe. Il faudra entendre la voix de celles et ceux qui réclament plus d’égalité et de justice sociale et répondre enfin.
Et il faudra bien sortir d’une société morcelée, bloquée, empêchée, méprisée, qui tourne le dos à sa jeunesse. Le temps est venu de changer en profondeur nos institutions pour redonner vie et force à notre démocratie, de nous projeter dans une VIe République. Une convention citoyenne pour le renouveau démocratique dont le résultat serait soumis à référendum serait l’occasion de réconcilier les Français avec la démocratie.
Je reste convaincu que la mission historique des écologistes est de faire entrer la France dans ces combats de vie et de dignité. Les élections législatives en seront l’occasion. Mais cette bataille des 12 et 19 juin, c’est à partir de la semaine prochaine qu’il nous faudra la mener ! Pour l’heure, l’urgence c’est, le 24 avril, de voter Emmanuel Macron pour faire barrage à l’extrême droite. Sans plaisir, sans illusion, mais sans hésitation.